Billet d’humeur : Les taxis québécois sont les plus éduqués au monde : faut-il s’en réjouir ?

Je n’ai plus souvent l’occasion de prendre le taxi comme je le faisais fréquemment lorsque ma carrière professionnelle m’amenait à voyager à travers le monde. Mais les quelquefois où je pars vers une destination qui m’oblige à prendre l’avion, je replonge dans ces quelques instants savoureux qui vous permettent le temps de quelques minutes, d’engager le dialogue avec un chauffeur de taxi. Un individu que vous ne connaissiez ni d’Éve ni d’Adam avant qu’il ne vous prenne à son bord et que vous ne reverrez peut-être plus jamais à l’issue d’une course qui ne dure parfois que quelques minutes. Allez savoir pourquoi j’ai toujours aimé ces contacts furtifs, souvent très amicaux et enrichissants (si on sait rapidement sortir d’une discussion qui se satisferait de ne s’inquiéter que de la pluie et du beau temps) et qui m’enrichissent toujours un peu plus.

Cette envie de dialoguer m’a permis de constater, au fil des ans, que les taxis au Québec sont sûrement de très loin les plus éduqués du monde. Et de m’être fait conduire successivement par des diplômés universitaires affichant baccalauréats ou maitrises, scientifiques ou littéraires, qui peuvent vous accompagner dans des discussions aussi étonnantes que passionnantes. Dire qu’ils n’étaient jamais des québécois « pure laine » ne surprendra personne, ces rwandais, congolais ou algériens ont pourtant généralement fait au moins une partie de leurs études dans une université québécoise. Ce ne fut donc pas une si grande surprise pour moi de me retrouver, à mon départ pour la France mercredi dernier, dans le taxi d’un sympathique marocain, titulaire d’un diplôme d’ingénieur et d’un doctorat en informatique, pour faire le trajet du centre ville de Montréal à l’aéroport P.E.Trudeau.

Là où l’histoire est moins drôle, c’est lorsqu’on prend le temps d’analyser le phénomène et qu’on constate que dans une province qui fait face à une pénurie de personnels qualifiés, qui organise des missions de recrutement à l’étranger pour en recruter, on croise encore nombre de diplômés issus de l’immigration qui prennent le volant pour gagner leur vie. Non, il n’y a pas de sous-métier et je respecte les chauffeurs de taxi comme tout professionnel qui exerce une activité utile à la communauté en général. Mais lorsqu’une société ne parvient pas à mieux intégrer ses immigrants qualifiés, alors qu’elle pratique une immigration positive (que je supporte par ailleurs dans sa volonté de favoriser l’intégration), il faut s’interroger sur les raisons qui conduisent à cette situation et tâcher d’y remédier. Il en va de l’avenir d’une société qui se veut ouverte et qui devra dans un futur proche compter sur toutes ses forces vives, et qui plus est sur ses diplômés, pour assurer son avenir et sa croissance économique.

Permettre à un docteur en informatique de pratiquer son vrai métier et de « lâcher » le volant pour un ordinateur n’est–il pas plus profitable au Québec de demain que de satisfaire les envies de dialogues furtifs d’un client comme moi avec un chauffeur de taxi super-intelligent ?

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